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Moyens de défense contre la peine de la confiscation du véhicule : enfin un peu de justice !

1. Aux termes de l'article 131-21 du code pénal, la confiscation est une peine complémentaire générale encourue de plein droit pour les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à une année. Cette confiscation porte sur tous les biens, quelle qu'en soit la nature, dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, et qui, soit ont servi à commettre l'infraction, soit en sont le produit. Elle est à l'appréciation du juge, ou obligatoire si la loi le prescrit pour une infraction particulière ou, quand bien même le condamné n'en serait pas le propriétaire, pour tous les objets dangereux ou dont la détention est illicite. La mesure générale de confiscation peut porter sur un ou plusieurs véhicules.


Les articles 131-6, 4°, et 131-9 du code pénal prévoient que, lorsqu'un délit est puni de l'emprisonnement, la peine de confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné peut être prononcée en lieu et place de l'emprisonnement. L'immobilisation de ces véhicules pour un an au plus est encourue de manière alternative (article131-6, 5°).


En matière de contraventions de la 5ème classe (amendes de 1500 à 3000 euros), il n'existe pas de peine complémentaire générale de confiscation d'un véhicule, mais seulement une peine d'immobilisation d'un ou plusieurs véhicules appartenant ou mis à la libre disposition du condamné.


2. Les dispositions législatives et réglementaires particulières du code de la route prévoient que la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction, si le condamné en est propriétaire, est soit prononcée à l'appréciation du juge, soit obligatoire. Les occasions de confisquer un véhicule sont nombreuses.


Elle est encourue à l'appréciation du juge pour les infractions suivantes :


· Délit de conduite d’un véhicule sans être titulaire du permis correspondant à la catégorie de ce véhicule (article L. 221-2 du code de la route, sauf mise en œuvre de la procédure d'amende forfaitaire correctionnelle) ;

· Délit de conduite d’un véhicule en faisant usage d’un permis de conduire faux ou falsifié (article L. 221-2-1 du code de la route) ;

· Délit de refus de remettre son permis de conduire au préfet après retrait de la totalité des points (article L. 223-5 du code de la route) ;

· Délit de conduite d’un véhicule malgré notification d'une décision de suspension, rétention, annulation ou interdiction d'obtenir un nouveau permis (article L. 224-16 du code de la route) ;

· Délit de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang, supérieure à 0,80 gramme par litre (article L. 234-2 du code de la route) ;

· Délit de refus de se soumettre aux vérifications de l'alcoolémie (article L. 234-8 du code de la route) ;

· Délit de conduite après usage de produits stupéfiants (article L. 235-1 du code de la route) ;

· Délit de refus de se soumettre aux épreuves de dépistage de produits stupéfiants (article L. 235-3 du code de la route) ;

· Délit de conduite intentionnellement dangereuse ou rodéos urbains (articles L. 236-1 et L. 236-3 du code de la route) et le délit consistant à inciter ou favoriser la commission de l'infraction de conduite dangereuse (article L. 236-2 du code de la route) ;

· Délit de défaut d'assurance de responsabilité civile (article L. 324-2 du code de la route) ;

· Délit de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter (article L. 233-1 du code de la route, la confiscation pouvant porter sur un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné) ;

· Délit de fuite (articles 434-10 du code pénal et L. 231-2 du code de la route) ;

· Délit d'homicide involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, et délit de blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois (articles L. 232-1 du code de la route) ;

· Contravention de neutralisation par un moyen quelconque d'un dispositif d'antidémarrage par éthylotest prescrit à titre de sanction (article R. 234-5 du code de la route).


La peine de la confiscation du véhicule est également encourue à l'appréciation du juge pour :


· Le délit de déclaration mensongère certifiant la cession d'un véhicule (article L. 322-3 du code de la route) ;

· Le délit d'usage de fausses plaques d'immatriculation, simple ou aggravé lorsque l'immatriculation utilisée est celle d'un autre véhicule et a pu entraîner ou était susceptible d'entraîner des poursuites contre un tiers (articles L. 317-2 à L. 317-4-1 du code de la route) ;

· Le délit d'importation, vente, location etc. d'un véhicule non homologué (L. 321-1 du code de la route) et la contravention de la 5ème classe de conduite sur la voie publique d'un cyclomoteur, motocyclette, tricycle ou quadricycle à moteur non soumis à réception (article L. 321-1-1- du même code) ;

· Le délit consistant à mettre en place sur son véhicule un dispositif destiné à déceler la présence de radars ou à en perturber le fonctionnement (articles L. 413-4 du code de la route) ;

· Le délit, commis par un professionnel, de d'installation sur un engin quelconque d'un dispositif permettant de dépasser les limites réglementaires de vitesse et de performance (articles L. 317-5 et L. 317-7 du code de la route) ; la contravention d'utilisation d'un tel engin, irrégulièrement débridé (article R. 317-23-1 du code de la route).


3. La confiscation du véhicule ayant servi à l'infraction est en principe obligatoire dans le cas d'un délit d'homicide involontaire aggravé, c'est à dire lorsque le conducteur du véhicule n'était pas titulaire du droit de conduire, ou était sous l'empire d'un état alcoolique ou avait fait usage de produits stupéfiants, ou lorsqu'il a refusé de se soumettre à la vérification de l'alcoolémie, ou à l'épreuve de dépistage des produits stupéfiants, ou s'il a dépassé d'au moins 50 km/heure la vitesse limite autorisée, ou enfin s'il a commis un délit de fuite (articles 222-19-1 et 222-44 du code pénal, reproduits à l'article L. 232-2 du code de la route).


La confiscation du véhicule, si le condamné en est le propriétaire, est également obligatoire dans le cas de blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois, aggravés par les mêmes circonstances (articles 222-20-1 222-44 du code pénal, L. 232-2 du code de la route).


La confiscation du véhicule est aussi obligatoire en cas de refus d'obtempérer aggravé lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement une personne à un risque de mort ou de blessures graves (L. 233-1-1 du code de la route).


Hors ces cas d'atteintes aux personnes, la confiscation du véhicule est encore obligatoire en cas de récidive de certaines infractions :


· Récidive de refus d'obtempérer (article L. 233-1-2 du code de la route) ;

· Récidive de conduite sans permis ou malgré annulation du permis (article L. 234-16 du code de la route) ;

· Récidive de conduite en état alcoolique ou de refus de se soumettre aux vérifications de l'alcoolémie (article L. 234-12 du code de la route) ;

· Récidive de conduite après usage de stupéfiants ou de refus de se soumettre aux vérifications (article L. 235-4 du code de la route) ;

· Récidive de conduite d'un véhicule non équipé d'un système d'anti-démarrage, malgré une interdiction prononcée par un juge à la suite d'une conduite en état alcoolique (article L. 234-16 du code de la route) ;

· Récidive de grand excès de vitesse, c'est à dire supérieur à 50km/h de la vitesse maximale autorisée (article L. 413-1 du code de la route).


La récidive doit être entendue au sens classique du code pénal (article 132-10 du code pénal), c'est à dire, s'agissant de la récidive délictuelle, comme la réitération, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription d'une condamnation définitive, soit de la même infraction, soit d'une infraction qui lui est assimilée au regard des règles de la récidive. Pour ce qui est de la récidive contraventionnelle de la 5ème classe, qui doit être spécifiquement prévue par le texte réglementaire d'incrimination, le délai est d’un an ou de trois ans si le texte prévoit que par l'effet de la récidive, la contravention constitue un délit (article 132-11 du code pénal).


Les dispositions législatives visant à réprimer les rodéos urbains, pratique désignée par la loi comme une conduite compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route (articles L. 236-1 à L. 236-3 du code de la route) et qui prévoient des peines pouvant être portées, par l'effet de différentes circonstances aggravantes, à cinq ans d'emprisonnement et à 45.000 € d'amende, disposent qu'est obligatoire la peine complémentaire de la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction. Il en va de même pour ce qui est du délit d'incitation à pratiquer des rodéos urbains, les organiser ou en faire la promotion.


La loi prévoit que, dans ces cas, le véhicule confisqué doit être la propriété du condamné, ou avoir été à sa libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi. On y reviendra.


4. L'immobilisation immédiate et à titre provisoire du véhicule est une possibilité offerte à l'administration préfectorale par l'article L. 325-1-1 du code de la route, prérogative liée à la mission générale confiée par la loi à cette autorité de retirer de la voie publique les véhicules abandonnés, hors d'état de circuler ou qui font ventouse trop longtemps (article L. 325-1 du même code).


La décision d'immobiliser le véhicule peut être prise lorsque les services de police ou de gendarmerie ont constaté une infraction sanctionnée notamment par la peine de confiscation obligatoire ou une infraction de dépassement de plus de 50 km/h la vitesse maximale autorisée. Le véhicule est mis en fourrière et le procureur de la République en est informé. Ce dernier dispose d'un délai de sept jours pour valider, ou pas, l'immobilisation du véhicule.


Les frais d'enlèvement et de fourrière sont à la charge du propriétaire, dans tous les cas, sauf la restitution du véhicule dans les sept jours sur ordre du procureur et sauf relaxe prononcée par la juridiction. Il faut rappeler que le fait de s'opposer à l'immobilisation d'un véhicule est une infraction sanctionnée de peines correctionnelles (article L. 325-3-1 du code de la route). On rappellera aussi qu'il n'est pas nécessaire que le véhicule ait été immobilisé pour que sa confiscation puisse être prononcée par le juge. L'immobilisation facilite l'exécution de la mesure de confiscation, mais elle n'en est pas la condition (article 131-21, avant-dernier alinéa, du code pénal).


L'article L. 325-1-2 du code de la route prévoit d'autres circonstances que celles énoncées à l'article L. 325-1-1, dans lesquelles l'immobilisation provisoire du véhicule peut intervenir dans d'autres situations (conduite en état d'ivresse, sans être titulaire du permis de conduire etc.).


L'immobilisation ne peut se rapporter qu'à un véhicule dont l'auteur de l'infraction est propriétaire. Dans le cas contraire, le véhicule est restitué au propriétaire qui se fait connaître. Mais les frais d'enlèvement et de fourrière restent à la charge de ce dernier, sauf si le véhicule a été volé ou loué à titre onéreux.


Si la confiscation n'est pas ordonnée par le juge, le véhicule est restitué. Dans le cas contraire, le véhicule est remis au service des domaines pour être soit détruit, soit vendu. Le produit de la vente peut être mis à disposition du créancier en mesure de justifier d'un gage, ou acquis à l'État.


5. La confiscation judiciaire du véhicule à titre de peine est donc, selon les infractions sanctionnées, soit une possibilité ouverte au juge soit un peine complémentaire dite obligatoire. Cette distinction est surtout pour le législateur un moyen de signifier la gravité renforcée de certaines des infractions qu'il sanctionne.


En pratique, pour le prévenu et son avocat, la différence est mince. La confiscation obligatoire selon les textes, n'est, en réalité, jamais obligatoire. Le juge peut toujours l'écarter par une décision spécialement motivée. S'il ne l'écarte pas, il doit prononcer la peine obligatoire dans le dispositif de sa décision, car ce n'est pas une peine accessoire automatique, mais n'a pas à la justifier dans les motifs.


Le principe constitutionnel d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de 1789 (Conseil constitutionnel, décision n° 2005-520 du 22 juillet 2005), et qui certes n'est pas absolu, implique du moins qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée si elle n'a pas été expressément prononcée par un juge, ce qui établirait que les circonstances propres à chaque espèce ont été prises en compte. C'est à cette condition qu'une marge d'appréciation soit toujours laissée au juge que le Conseil constitutionnel accepte de valider les peines dites obligatoires. S'agissant de la peine obligatoire d’annulation du permis de conduire en cas de récidive de conduite en état alcoolique, le Conseil constitutionnel a écarté une QPC (décision n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010) au motif que, dans la rédaction du texte alors applicable, le juge pouvait mettre en œuvre les dispositions du code pénal relatives aux dispense et relevé des peines et fixer la durée de l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire.


Néanmoins, la loi ne fait pas obligation au juge de développer une motivation précise et détaillée en réponse au prévenu qui lui demande de ne pas prononcer la confiscation obligatoire. Il n'est pas, comme dit la Cour de cassation, tenu de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation (Cass Crim 4 mars 2015 n° 13-86954 inédit). Sa motivation pourra être sommaire et péremptoire sans encourir de critiques (Cass Crim 15 mai 2002 n° 01-85876 inédit).


Dans le cas où la confiscation obligatoire du véhicule est encourue, le prévenu doit toujours prendre l'initiative de demander expressément que cette sanction ne soit pas prononcée. À défaut, le juge pourra prononcer la peine de confiscation obligatoire sans la motiver et sans méconnaître pour autant les dispositions conventionnelles. Cependant, le texte fondant cette confiscation doit avoir été mentionné dans l'acte de poursuite (Cass Crim 11 avril 2018 n° 17-83170 inédit : « Attendu qu'en prononçant la peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule prévue par l'article L. 234-12 du code de la route, lequel était expressément visé dans l'acte de poursuite, la cour, qui n'était saisie d'aucune demande du prévenu tendant à écarter le prononcé de cette peine en cas de déclaration de culpabilité, a fait une exacte application de ce texte sans méconnaître les dispositions conventionnelles visées au moyen » (même doctrine exprimée dans un arrêt Cass Crim 26 juin 2018, n° 17-86678 inédit).


Quels types d'arguments peuvent convaincre le juge de ne pas prononcer la confiscation obligatoire ? Face au ministère public qui l'aura requise avec sévérité ou automatisme, la défense devra soigneusement préparer son argumentation. Celle-ci ne peut espérer contester avec succès la gravité de l'infraction ni prétendre méconnaître la nécessité de prévenir la récidive ou une nouvelle récidive. En revanche, surtout s'il est possible de s'appuyer sur les renseignements recueillis par le service de police ou de gendarmerie, ou l'enquête sociale réalisée en application de l'article 41 du code de procédure pénale, et en ne négligeant aucun moyen de preuve (documents et attestations notamment sur les charges, obligations et responsabilités de la personne prévenue), les circonstances particulières de l'espèce pourront être utilement invoquées, si la confiscation du véhicule devait avoir pour effet de compromettre, en particulier, un exercice professionnel et/ou les conditions de la vie familiale (par exemple, le véhicule est absolument nécessaire pour conduire les enfants à l'école...). La confiscation peut être une peine non nécessaire et disproportionnée dans ses conséquences, au regard de l'infraction commise. Il est de nombreux exemples de juridictions qui ont accepté de tels moyens de défense.


La mesure de confiscation du véhicule a évidemment une portée patrimoniale. Pour autant, il est délicat d'y trop insister, sauf au regard des faibles ressources du prévenu. Il serait hasardeux de soutenir devant un juge ordinaire que la confiscation d'un véhicule de grande valeur serait en soi contraire au principe de proportionnalité. La Cour de cassation a exprimé récemment sa réprobation quant à ce genre de moyen de défense : «Pour prononcer la peine de confiscation, l'arrêt attaqué énonce que le véhicule saisi est l'instrument du délit commis, et sa confiscation permise par la loi/ Les juges ajoutent que c'est le choix du prévenu de posséder une voiture d'un grand prix, nécessairement proportionné à ses importants revenus, et de l'utiliser au quotidien, en commettant des infractions (…)/ Ils retiennent que la confiscation de ce véhicule répond à l'impératif d'intérêt général de prévention des accidents de la route, et constitue la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d'atteindre cet objectif / Ils soulignent que l'intéressé n'a excipé d'aucune circonstance exceptionnelle, tenant à son emploi ou à sa situation professionnelle, qui rendrait disproportionnée la confiscation de ce véhicule (...) / En prononçant ainsi (...), la cour d'appel, qui a pris en considération la personnalité et la situation personnelle du prévenu, ses ressources et ses charges, a analysé la mesure au regard de sa proportionnalité, et (…) a justifié sa décision » (Cass Crim 17 mai 2022, n° 21-85611 Publié).


On en retiendra que le principe de proportionnalité de la peine est applicable en matière de confiscation du véhicule utilisé pour commettre l'infraction, alors qu'il ne l'est pas lorsque le véhicule confisqué est le produit de l'infraction, par exemple lorsqu'il a été acquis avec l'argent d'un trafic de drogue (notamment Cass Crim 7 décembre 2016, n° 16-80879), à moins que le bien ait été acquis, pour partie, avec des fonds d'origine licite (Cass Crim 27 juin 2018, n° 17-84280 Publié).


6. En défense, la référence de principe aux droits et principes conventionnels ou constitutionnels garantis pour tenter de faire valoir la non-conformité des textes permettant la confiscation, a peu de chances d'être accueillie favorablement. Si ces droits garantis devaient être retenus par le premier juge pour relaxer ou ne pas prononcer certaines des peines encourues, le ministère public ferait à coup sûr appel de la décision. Ce n'est que lorsque l'infraction poursuivie a la nature d'une contravention, que la question de la conformité n'est peut-être pas totalement close.


Dans le cadre d'une poursuite pour grand excès de vitesse, l'auteur d'un pourvoi en cassation faisait valoir que le prononcer d'une peine complémentaire de confiscation du véhicule alors que la peine principale encourue n'excédait pas 1500 euros d'amende, est incompatible avec les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. La Cour de cassation a rejeté ce moyen, en énonçant «qu'en application des articles 131-21 du code pénal et R. 413-14-1 du code de la route, le conducteur d'un véhicule à moteur qui dépasse de plus de 50 km/ h la vitesse maximale autorisée encourt, à titre de peine complémentaire facultative, la confiscation du véhicule qui a servi à commettre cette infraction ; que cette sanction, à caractère principalement dissuasif, dont l'objet est de lutter plus efficacement contre les grands excès de vitesse et de réduire le nombre de morts et de blessés causés par les accidents de la route, répond à un impératif d'intérêt général et ne méconnaît aucun des principes conventionnels invoqués » (Cass Crim 10 février 2016, n° 15-82324 Publié).


Cette décision marque un certain raidissement du juge judiciaire. Dans une décision du 14 septembre 2010 (n° 10-90090 non publiée), la chambre criminelle avait transmis au Conseil constitutionnel une QPC au motif que « la question, soulevée par le requérant, de la conformité aux principes de la nécessité et de la proportionnalité des peines de la confiscation, en application d'un texte réglementaire, du véhicule appartenant à une personne poursuivie pour une contravention de la 5e classe, punie par la loi, à titre principal, d'une amende n'excédant pas 1 500 euros, présente un caractère sérieux ».


Le juge constitutionnel n'avait pu se prononcer sur le texte d'incrimination en raison de sa nature réglementaire, mais on peut lire dans le commentaire de la décision, publié aux Cahiers : « il n’est pas contestable que, sur le fond, se pose une question de constitutionnalité : la contravention de grand excès de vitesse est une contravention de cinquième classe, punie de 1 500 € d’amende maximum et des peines complémentaires citées ci-dessus. La confiscation du véhicule, quelle que soit la valeur du bien, pose une question de proportionnalité, certains véhicules pouvant avoir une valeur excédant plusieurs centaines de milliers d’euros ». Il existe ainsi possiblement un désaccord entre la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel sur la conformité à la Constitution de la sanction de la confiscation du véhicule prévue à l'article R. 413-14-1 du code de la route qui réprime le grand excès de vitesse. Mais le Conseil constitutionnel n'est pas en position de faire prévaloir son point de vue. Il reste que cela peut être un moyen utile à soulever devant le juge. Même si celui-ci le rejette, il peut, par compensation, le prendre en compte dans le quantum des peines prononcées.


La portée de cette question est toutefois réduite en pratique, la confiscation du véhicule en sanction d'un grand excès de vitesse étant rarissime.


7. Les textes d'incrimination disposent soit que seul un véhicule propriété de la personne poursuivie peut être confisqué (par exemple, conduite sous l'empire d'un état alcoolique), soit, pour les infractions les plus sévèrement réprimées, que le véhicule confisqué doit avoir la propriété de l'auteur de l'infraction ou laissé à sa libre disposition, dans ce cas sous réserve des droits d'un tiers de bonne foi (par exemple, rodéos urbains). Cette dernière formulation correspond au droit commun du code pénal sur la confiscation (article 131-21).


Lorsqu'elle est une condition de la confiscation, la question de la propriété du véhicule utilisé pour l'infraction peut devoir être débattue à l'initiative de la personne poursuivie. Avant de prononcer cette confiscation, le juge doit s'assurer que le véhicule en cause est bien la propriété du prévenu, sans être pour autant tenu de le discuter dans sa décision si le lien de propriété n'est pas contesté (Cass Crim 18 novembre 2014, n° 13-88340).


La propriété du véhicule peut être établie par tous moyens et les énonciations du certificat d'immatriculation, qui n'a pas en soi la valeur d'un titre de propriété, peuvent être insuffisantes à l'établir même si, concrètement, elles constituent un indice, voire une présomption (Cass Crim 11 septembre 2019, n° 19-80300). Pour échapper à la confiscation, il n'est pas fatal que le certificat d'immatriculation soit établi au nom du contrevenant. Et il peut ne pas suffire qu'il soit établi au nom d'un tiers. Pourront encore être retenus comme titres de propriété la facture délivrée pour l'achat, ou un certificat de cession. Peuvent encore être prises en considération l'identité de la personne qui règle les échéances de crédit ou les factures d'entretien, celle du titulaire du contrat d'assurance, ou de l'utilisateur habituel du véhicule. Il est évident que l'utilisation d'un prête-nom manifeste sera très mal considérée par le juge.


Il a été jugé, dans une espèce où la personne poursuivie, de nationalité anglaise, avait reconnu devant le premier juge être propriétaire du véhicule, que la production devant la cour d'appel d'un document en langue étrangère et non traduit ne pouvait faire preuve de la propriété d'un tiers, puisqu'en application de la loi dite Toubon, la langue française est la seule langue des services publics (Cass Crim 14 mai 2008, n° 07-88013 Publié).


Ainsi, le véhicule appartenant en propre à un tiers, membre de la famille ou pas, à l'employeur, à une société de location ou une société financière ayant consenti un contrat de LOA ou de LLD, ne peut pas être confisqué lorsque la loi énonce la condition de propriété. De ce seul fait, et compte tenu en particulier du développement des formules de location sur longue durée, le champ de la confiscation tend à se restreindre.


Puisque nul ne plaide par procureur, le véritable propriétaire du véhicule devra prendre soin de se faire représenter à l'audience. A défaut, il pourra toujours demander la restitution de son bien en application de l'article 710 du code de procédure pénale.


8. Les questions du véhicule détenu en indivision, ou propriété de la communauté des époux, ont posé des difficultés particulières.


S'agissant d'une indivision, il convient de se référer à l'article 131-21 du code pénal. Ce texte n'opère aucune distinction entre les biens divis ou indivis. Il les cite ensemble et dispose, à l'avant-dernier alinéa, que « la chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolue à l'État, mais elle demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers ».


Donc, le bien indivis est dévolu en entier à l'État et les indivisaires ne peuvent s'y opposer (Cass. crim., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-85.751 Publié ; Cass Crim 11 juillet 2017, n° 16-83773 Inédit). En revanche, lors de la vente, le ou les indivisaires étrangers à l'infraction doivent recevoir la somme correspondant à la valeur de leur quote-part indivise.


La loi ne distingue pas l'indivision de la communauté légale des époux. Les deux institutions sont pourtant d'une portée différente. Les droits respectifs de chacun des époux sur un bien commun sont égaux mais ne peuvent être individualisés qu'à l'occasion de la liquidation de la masse commune dans l'une des circonstances énumérées à l'article 1441 du code civil. Par ailleurs, pendant toute la durée de la communauté, les époux sont solidaires pour le paiement des dettes qui peuvent être poursuivies sur les biens communs (article 1413 du code civil). La récompense est due à la communauté qui a acquitté la dette personnelle de l'un des époux (article 1412 du même code). C'est le cas, en particulier, lorsque la communauté a réglé les amendes et condamnations pénales ou civiles prononcées contre l'un des époux (article 1417 du même code).


Conformément à ces dispositions civiles, la Cour de cassation, dans un arrêt de principe abondamment motivé (Cass Crim 9 septembre 2020, n° 18-84619 Publié), a retenu que la confiscation d'un bien commun prononcée en répression d'une infraction commise par l'un des époux emporte sa dévolution pour le tout à l'État. Ce bien, à la différence de ce qu'il en est pour un bien indivis, ne demeure pas grevé des droits de l'époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce dernier est de bonne foi. Cependant, les droits de l'époux non condamné sont sauvegardés dès lors que la confiscation peut donner lieu à un droit à récompense pour la communauté lors de sa dissolution.

La Cour de cassation ne s'est pas satisfaite de cette jurisprudence et y est revenue par un arrêt du 15 septembre 2021 (n° 21-90029 Publié). Elle a d'abord relevé que la décision de confiscation requiert dans une telle situation, le cas échéant d'office, une appréciation en proportionnalité particulièrement attentive. Elle a ensuite relevé que « la confiscation d'un bien commun prononcée en répression d'une infraction commise par l'un des époux est susceptible de porter atteinte au droit de propriété de l'époux de bonne foi, au principe de la personnalité des peines, et au droit au recours effectif, en ce que la loi ne prévoit pas que l'époux de bonne foi doit être cité à comparaître devant la juridiction de jugement avec l'indication de la possibilité pour le tribunal d'ordonner la confiscation d'un bien appartenant à la communauté conjugale, non plus que le droit pour l'intéressé de présenter ou faire présenter par un avocat ses observations à l'audience avec la faculté pour lui d'interjeter appel de la décision de confiscation prononcée ». Et la chambre criminelle a transmis au Conseil constitutionnel une QPC fondée sur cette question de droit procédural.


Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 24 novembre 2021, n° 2021-949/950 QPC, a constaté, comme la Cour de cassation, que « ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient que l'époux condamné soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation devant la juridiction de jugement qui envisage de la prononcer » et, pour manquement au droit garanti à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense, a déclaré contraires à la Constitution certaines des dispositions de l'article 131-21 du code pénal. Le Conseil a toutefois reporté au 31 décembre 2022 les effets de cette abrogation.


9. La confiscation du véhicule qui n'est pas la propriété du contrevenant, mais qui a été mis à sa disposition, ne peut intervenir, conformément au droit commun des confiscations tel qu'énoncé à l'article 131-21 du code pénal, que sous réserve des droits du tiers de bonne foi. La jurisprudence relative à la mise en œuvre de cette dernière disposition doit être prise en compte.


Il faut rappeler qu'en application du principe général qu'une personne est toujours présumée de bonne foi, il appartient au ministère public d'établir la mauvaise foi du tiers propriétaire pour que la confiscation soit possible. Cette réserve légale des droits du propriétaire de bonne foi a été expressément approuvée par le Conseil constitutionnel comme condition de conformité du texte de l'article 131-21 du code pénal (Décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010).


Deux lignes de défense successives apparaissent donc. La première vise à contester la vérité des faits allégués par le procureur pour établir la mauvaise foi du tiers propriétaire. Ces éléments d'appréciation sont nombreux et divers et dépendent tout entier de la nature et des circonstances de l'affaire. En règle générale, la mauvaise foi est établie lorsqu'il apparaît que le tiers a laissé le bien à la disposition de l'auteur de l'infraction, sachant ou ne pouvant ignorer pour différentes raisons l'usage qui allait en être fait. Il va de soi que sauf circonstances exceptionnelles, l'employeur propriétaire du véhicule ou le loueur de ce véhicule n'auront pas de difficultés à se faire reconnaître de bonne foi. Cependant, il a été jugé que le propriétaire du véhicule qui connaissait le comportement routier de l'auteur de l'infraction et qui a menti aux enquêteurs pour tenter de le protéger ne peut être considéré comme étant de bonne foi (Cass Crim 8 juin 2022 n° 21-85422 Inédit).


10. À supposer que la mauvaise foi du tiers soit suffisamment établie par l'accusation, la seconde ligne de défense doit viser à contester la proportionnalité de la confiscation requise, en valeur et dans ses conséquences, au regard de la faute commise. Ce débat est essentiel. Le juge doit l'engager même d'office. La chambre criminelle de la Cour de cassation y insiste. Dans un arrêt du 25 novembre 2020 (n° 19-86.979 publié), elle a jugé qu'il résulte de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit de propriété, que « le tribunal ne peut, sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal, ordonner la confiscation d'un bien indivis dans sa totalité, dont le condamné, propriétaire indivis, a la libre disposition, l'autre indivisaire étant de mauvaise foi, qu'après s'être assuré, au besoin d'office, de la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de chacun des indivisaires au regard de la gravité concrète des faits et de leur situation personnelle ».


Mais ni le débat sur la bonne ou mauvaise foi du tiers ni l'examen, le cas échéant, de la proportionnalité de la confiscation, ne peuvent être conduits en l'absence du propriétaire du bien, tiers à l'infraction, de bonne ou de mauvaise foi, si celui-ci n'est pas appelé à y prendre part contradictoirement. Or les textes ne garantissent pas ce contradictoire même si la jurisprudence a toujours admis l'intervention à l'audience du tiers à l'infraction, propriétaire du véhicule (Cass Crim 15 janvier 2014, n° 13-81874 Publié).


Le Conseil a été saisi à deux reprises de cette difficulté. En premier lieu, la Cour de cassation a, par arrêt n° 20-84441 du 3 février 2021, soumis au Conseil constitutionnel une QPC relative à l'article 225-25 du code pénal, selon lequel les personnes reconnues coupables de proxénétisme ou de traite des êtres humains encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, au motif que « la loi ne prévoit pas que le tiers propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure doit être cité à comparaître devant la juridiction de jugement avec l'indication de la possibilité pour le tribunal d'ordonner la confiscation du bien lui appartenant, non plus que le droit pour l'intéressé de présenter ou faire présenter par un avocat ses observations à l'audience avec la faculté pour lui d'interjeter appel de la décision de confiscation prononcée ».


Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2021-899 QPC du 23 avril 2021, a repris à son compte ce grief et déclaré contraires aux droits à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable les dispositions de l'article 225-25 du code pénal. La date d'effet de l'abrogation de ce texte a été reportée au 31 décembre 2021.


En second lieu, par arrêt du 16 juin 2021 (n° 20-87060), la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une QPC portant sur l'article 131-21 du code pénal avec une motivation identique à celle de son arrêt du 3 février 2021 cité plus haut.


Par décision du 23 septembre 2021 (n° 2021-935 QPC), le Conseil constitutionnel a, sans surprise, censuré l'article 131-21 du code pénal avec la même motivation que celle de sa décision du 23 avril 2021, les effets de l'abrogation étant reportés au 31 mars 2022.


11. Une loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est intervenue afin de tirer toutes les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel des 23 avril 2021 et 23 septembre 2021, portant abrogation notamment de certaines des dispositions de l'article 131-21 du code pénal (et par la même occasion de treize autres décisions d'abrogation de différents articles du code de procédure pénale).


L'article 131-21 du code pénal, qui traite le régime de droit commun de la peine complémentaire de confiscation et dont la portée est donc générale, a été complété par un dernier alinéa ainsi rédigé : « (…) lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'elle revendique et sa bonne foi ».


La circulaire du ministère de la justice relative à cette loi (27 décembre 2021 n° JUS D2138990 C), soutient que ces dispositions nouvelles permettent aussi de prendre en compte la décision d'abrogation de certaines dispositions de l'article 131-21 du code pénal prise par le Conseil constitutionnel le 24 novembre 2021 en considération de la situation de l'époux en communauté légale avec l'auteur de l'infraction, et évoquée plus haut. Cela mériterait discussion et il pourrait être le cas échéant plaidé qu'aucune conséquence légale n'a été tirée par le législateur de cette décision d'abrogation du 24 novembre 2021.


L'article D45-2-1 ter du code de procédure pénale décline au plan procédural les nouvelles dispositions législatives.


En définitive, lorsqu’est encourue la peine complémentaire de la confiscation du véhicule, que cette peine complémentaire soit facultative ou obligatoire, et lorsque ce véhicule n'appartient pas en propre et exclusivement à l'auteur de l'infraction, soit qu'il soit détenu en indivision ou par la communauté conjugale, soit, dans le cas de la confiscation obligatoire, qu'il a été mis à la disposition de l'auteur de l'infraction par un tiers, cette confiscation ne peut être ordonnée que si le ou les tiers intéressés ont été invités à comparaître pour en débattre.


La question devra être tranchée des conséquences sur la confiscation ordonnée du non-respect des dispositions procédurales nouvelles. La circulaire du ministère de la justice du 27 décembre 2021 croit devoir écarter la nullité de la confiscation prononcée, dès lors que l'intéressé peut toujours solliciter la restitution de son bien sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale. Cela paraît cependant douteux et il serait opportun, le cas échéant, de plaider le contraire. Les conséquences sont importantes pour les intéressés car en cas de nullité de la confiscation, la restitution est de plein droit. A défaut de la sanction de la nullité, le débat sur la bonne foi et la proportionnalité devrait se tenir dans le cadre d'une demande de restitution.


Quoiqu'il en soit, il résulte des jurisprudences évoquées ci-dessus que, au moins lorsque le véhicule n'est pas la propriété exclusive de l'auteur de l'infraction, sa confiscation est largement susceptible de se heurter au principe de proportionnalité et beaucoup de juridictions, sensibles aux arguments de la défense, peuvent la considérer de manière défavorable. Enfin un peu de justice.



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